«Artempo» trace donc le temps dans l'art. Les artistes contemporains qui ont fait du temps leur principal thème de réflexion, comme Roman Opalka ou On Kawara, sont bien sûr convoqués. L'intemporel est suggéré par le rapprochement de visages de Picasso, du néolithique ou de l'artiste italienne Marisa Merz. Le temps qui détruit se montre dans des vanités flamandes, des crânes gravés, des écorchés, un miroir brisé de Marcel Duchamp, une accumulation d'Arman, une oxydation à l'urine de Warhol, un corps tordu de Bacon. Les films d'Antonin Artaud, les sculptures phalliques d'un artiste d'Asie centrale qui a vécu il y a deux millénaires et de Louise Bourgeois qui va sur ses 96 ans dialoguent sans heurts, entre temps du même monde. Ce cabinet gothique de curiosités, qui oppose si habilement la vie et la mort, à Venise de surcroît, pourrait paraître suranné. Ce genre accumulatif, qui fait flèche de tout bois, est après tout à l'origine de nos musées modernes. C'est bien le contraire qui se produit. «Artempo» propose un stimulant mélange de genres et d'époques, une circulation globale de sens et d'intentions qui se coulent à merveille dans l'époque actuelle. Le palais renoue du coup avec son passé de laboratoire d'idées, d'atelier-capharnaüm qui multiplie les sources vives d'inspiration, que celles-ci surgissent des Cyclades au bronze ancien ou des empreintes d'Yves Klein.
S'il n'y a pas de passé ni de futur dans l'art, comme le notait Picasso, il y a désormais un musée qui suggère cette évidence mieux que les autres, la durée d'une exposition saisissante tout au moins.
«Artempo», Palazzo Fortuny, Venise,jusqu'au 7 octobre. Fermé le lundi et mardi. Infos: http://www.artempo.eu
(Article écrit par Luc Debraine, Venise pour la revue Le Temps.CH
Jeudi 28 juin 2007)