par Nicole » 08 Fév 2011 19:00
Avec tous ces événements Pieralvise Zorzi a ce matin fait paraître un article fort intéressant dans la Gazettino en voici la traduction.
Traduction : Frédéric Delarue (les notes en bleu sont du traducteur pour éclairer la vie politique italienne qui peut nous paraître compliquée.)
Tribune libre parue dans le Gazzettino daté du 8 février 2011, page 5 /
Réagissons comme une grande ville
(Pieralvise Zorzi)
L’incroyable imbroglio du Grand Canal suscite des réflexions abasourdies, très amères, indignées voire belliqueuses.
L’équivoque « calderolien » [N.d.t : Roberto Caldero, ministre pour la simplification – administrative et législative – du gouvernement Berlusconi,
membre de la Ligue du Nord a, contrairement aux positions défendues par le parti auquel il appartient,
abrogé en février 2011 un décret attribuant la concession du Grand Canal à la commune de Venise,
ce qui donne au gouvernement italien la propriété et la gestion du Grand Canal, avant de tenir – devant la fronde suscitée par ces propos –
quelques jours plus tard des propos plus apaisants au terme desquels il semble probable que Venise
garde la propriété de fait et la gestion du Grand Canal] nous a confronté à la réalité : le Grand Canal ne nous appartient pas
tout à fait, mais nous est concédé par l’Etat.
Ainsi soit-il, dans une république démocratique comme celle que connaît l’Italie, nous sommes l’Etat : mais nous sommes 60 milllions…
C’est un sacré choc que de se rendre compte que le Grand Canal millénaire, la plus belle voie du monde, celle que les Vénitiens chérissent,
est en multipropriété, ou si vous préférez, partagé entre l’usufruit et la nue-propriété.
Quelle part de Venise n’appartient pas à Venise ?
Quelle part de notre culture et de notre histoire – lesquelles nous sont indissolublement liées depuis plus d’un millénaire – nous est prêtée ?
Il serait intéressant de le découvrir.
Jusqu’ici, la stupeur demeure.
A la découverte de la fragilité et la dépendance de l’entité physique de
Venise vis-à -vis des lois, des subtilités et des étourdies ministérielles, succède l’amertume.
Un tourbillon où l’on risque le naufrage : celui de la lagune, pas moins !
Le pauvre maire, instruit en cela par son expérience, disponible et bien préparé par son parti Ã
la résolution des embrouilles, a le devoir ingrat de l’empêcher de sombrer dans le simple
« centre historique » ou, pour le dire crûment, dans « l’auberge mondiale ». Ce qui laisse
place à l’indignation : mais comment, précisément dans le très long travail qui précède la
naissance du fédéralisme [N.d.t : une loi de 2009 adoptée par le Parlement italien reconnaît de
plus larges prérogatives aux régions. Principale revendication de la Lega, cette
désolidarisation du Nord et du Sud fait l’objet de discussions parlementaires houleuses
concernant ses modalités d’application] de telles gaffes aussi manifestes peuvent-elles être
commises ? Si encore c’était une gaffe ! Quelque sournois pourrait reconnaître dans cette
gaffe une sorte de message adressé au groupe parlementaire auquel appartient la majorité
communale [N.d.t : Giorgio Orsoni, maire de Venise est à la tête d’une coalition de centregauche
tandis que l’opposition municipale se compose de la Lega et du Pdl, le Parti des
libertés – la coalition de centre-droit favorable au gouvernement de Silvio Berlusconi] : « par
l’intermédiaire de Marie à Jésus ». Ou plus cavalièrement, parler à la belle-fille pour que la
belle-mère comprenne. J’espère me tromper.
Mais une autre nouvelle réveille l’humeur belliqueuse : le transfert annoncé du marché aux
poissons du marché de gros du Tronchetto à Fusina, lequel soulèverait d’énormes problèmes
économiques et logistiques, risquant peut-être de provoquer la fin du marché aux poissons de
détail du Rialto. Ce sera [probablement] un autre feu de paille mais si c’était vrai, ce serait
encore une fois une très grave menace pour Venise. La conjonction des deux nouvelles fait
affluer le sang vers les tempes, fourmiller les mains qui résistent à peine à la tentation de taper
sur le clavier des mots comme « indépendance », « séparatisme » et ainsi de suite. Voici
justement la tentation à laquelle il faut résister pour au contraire insister sur la bataille plus
sérieuse que nous pouvons mener : la reconnaissance de la spécificité de Venise dans son
essence. En tant que Ville et non pas centre historique, pour une reconnaissance qui ne peut
faire abstraction de l’appartenance territoriale à la ville, fédéralisme ou non. Il faut encourager
la population, ne pas créer de nouveaux problèmes. Il faut étudier et promouvoir une loi
d’initiative populaire pour garantir à Venise sa spécificité à tous points de vue. Pour que tous,
Etat italien compris, ne pensent pas à Venise comme un simple morceau d’un patrimoine
commun mais comme ce qu’elle est : une ville unique, inégalable et justement par cela
vraiment indépendante.
Nicole
L'administrateur du forum
"Nulle autre ville n'a porté à ce degré de perfection l'art de vivre, d'être heureux, d'aimer et de mourir."
Maria Teresa de Rubin