
Posté:
07 Avr 2008 18:55
par Marianne
Avant de conclure la première partie du programme, la magie de la clarinette avec l’Introduction et variations en mi bémol majeur de Gioachino Rossini, tiré d’un thème de La dame du lac. Magie insaisissable, enrobée d’une mélodie fluide, de modulations douces, d’une harmonie oscillant entre finesse, esprit, fraîcheur, vélocité et naturel. Le soliste Lorenzo Guzzoni, longuement ovationné par le public, a certainement du souffle pour une si brillante narration.
Un opus de Domenico Cimarosa (peut-on oublier son Mariage secret ?), maître de l’opéra bouffe, avec le hautbois du soliste Silvano Scanziano et voilà que les instruments à vent tiennent l’auditoire sous leur coupe…
Petit entracte, avec agitation de l’ensemble de l’orchestre pour retrouver les partitions du Prêtre roux égarées lors du voyage, et explication de tout ce chambardement ! Pour gagner du temps, maestro Scimone propose un air de Paganini. Qui s’en plaindrait ? Et se pressent les trémolos, les lamentos, les sanglots, les « rossignolades » et les pizzicati des violons pour cette alerte Variation sur le canal de Venise, avec un moment de déroute et de cacophonie incompréhensible. Petit fou rire des musiciens et amusement de la salle dont les yeux restent quand même rivés sur les archets et les cordes pour cette joyeuse barcarolle…
Et arrive (avec les partitions) le moment tant attendu, le plat substantiel. On retrouve avec plaisir les vibrantes volutes des Quatre saisons du Prêtre roux, œuvre qui a passé le cap des siècles et dont les échos secrets et charmeurs défient la beauté de toutes les saisons du monde. Quatre saisons où le printemps, l’été, l’automne et l’hiver ont des couleurs saisissantes sous les archets des solistes Lucio Degani et Chiara Parrini, unique musicienne féminine de l’ensemble réunissant, en toute simplicité, grâce, beauté et talent.
Palette sonore riche pour les couleurs d’un arc-en ciel merveilleux où les sensations, l’émotion et les vibrations empruntent aux temps, au soleil, au frimas, à la pluie, aux embellies et aux horizons des tonalités et des timbres qui n’arrêtent pas de surprendre et de séduire l’auditeur… Contrastes et ampleur d’une narration, certes ornée, mais où le soliste a beaucoup à dire et à faire…Colorée, suggestive, parfois même dramatique, cette œuvre toute en nuance est en fait une véritable symphonie descriptive. Quatre concerti, composés chacun de trois mouvements entre rythmes vifs et lents, servent de solides assises pour une narration pastorale d’un lyrisme singulier...

Posté:
07 Avr 2008 18:59
par Marianne
Joyeux, habité du chant des oiseaux, du murmure des sources et du souffle des zéphyrs, le Printemps a un allegro débordant de vie. Un violon qui imite le son de la musette, instrument des pastoureaux, et voilà que l’auditeur est au milieu d’un pré en fleurs… Entre pianissimos et fortissimos, la nature se réveille pour évoquer un printemps à la sève bouillonnante…
L’Été est représenté à travers un orage, avec la plainte des bergers et la foudre qui décapite le blé… Des images sonores expressives et fortes. Pour l’Automne, une fête paysanne mène la ronde des notes dans une joyeuse farandole où la fanfare des chasseurs se fait entendre dans un impétueux allegro final. Pour le dernier concerto, L’hiver, de grands frissons parcourent l’allegro, un calme secret plane sur le largo telles ces journées tranquilles et rêveuses au coin du feu, tandis que les déchaînements de la tempête clôturent l’allegro du dénouement.
Une salve d’applaudissements d’un public nombreux, sélect et recueilli a salué cette prestation d’une saveur et d’une intensité profondément italiennes… De l’élégante musique du Prêtre roux aux épanchements ondoyants, d’une soyeuse fluidité de Rossini, que Stendhal tenait comme son idéal artistique, la musique avait toutes les allures d’une invitation à un voyage hors de l’espace et du temps…
Un petit bis, une Serenade de Riccardo Riga, frileuse randonnée sonore que les tsars affectionnaient, paraît-il, mais rien ne remplace les chaleureux vibratos des Quatro stagionni qui résonnent encore, avec une délicieuse persistance, dans l’oreille et le cœur des auditeurs…
Article écrit, par Edgar Davidian, dans L’Orient du Jour. Le quotidien libanais d'expression française. Beyrouth, lundi 07 avril 2008.
(USJ = Université Saint Joseph. Cette université est implanté à Beyrouth, Liban).