A 37 ans, le chef d'orchestre tchèque, Ondrej Macek, joue un coup de maître: il a retrouvé et va diriger "Argippo", un opéra baroque de Vivaldi dont toute trace avait disparu après une unique représentation à Prague, en 1730.
"J'étais vraiment très content quand j'ai retrouvé les partitions que tout le monde croyait perdues", explique sobrement le musicien.
C'était fin novembre 2006, la nouvelle fit grand bruit dans les milieux amateurs. Pour Francesco Fanna, le directeur de l'Institut Vivaldi joint à Venise, il s'agit là d'une découverte "exceptionnelle".
Seize mois plus tard, Ondrej Macek attend fébrilement la première du "drame musical en trois actes" prévue samedi dans la grande Salle espagnole du Château de Prague.
Ce lieu prestigieux, d'habitude réservée aux grandes réceptions officielles ou aux sessions parlementaires extraordinaires, est "une des rares salles de Prague avec une acoustique adaptée à la musique baroque", explique ce claveciniste diplômé es musicologie qui dirige depuis le début des années 90 son ensemble baroque.
En même temps, le Château majestueux qui surplombe la capitale tchèque lui semblait particulièrement adapté pour marquer le retour en musique du seul opéra composé par Antonio Vivaldi (1678-1741) pour Prague.
Jusque là , beaucoup avaient recherché la partition perdue d'Argippo. En vain. "Ils s'étaient arrêtés à Prague", explique Ondrej Macek non sans malice.
Habitué à fouiller les archives pour exhumer les oeuvres oubliées du 18è, le chef tchèque assure que le jeu de piste fut "facile". Le théâtre privé du comte Franz Anton Sporck qui avait commandité l'opéra avait brûlé, seul subsistait un exemplaire du livret à la Bibliothèque nationale, il chercha "logiquement" la trace des musiciens italiens recrutés pour la première.
"Après Prague, la compagnie d'Antonio Denzio est partie à Regensburg, j'ai décidé d'aller là -bas moi aussi", raconte-t-il. Sa quête le conduit au château de St Emmeram, dans les archives privées de la maison princière Thurn und Taxis, en Bavière. Au bout de deux semaines, il tombe sur des partitions classées dans un fascicule de musiques baroques.
"J'ai tout de suite su que c'était ce que je cherchais, parce que tout correspondait au livret archivé à la Bibliothèque nationale de Prague", se souvient le musicien, un éclair dans les yeux.
Après authentification au très officiel Institut Vivaldi de Venise, il se lance dans une reconstitution. Car les partitions manuscrites archivées à Regensburg, "des copies de facture grossière comportant de nombreuses erreurs" selon lui, sont incomplètes: il manque environ un tiers de l'opéra.
Il lui a fallu puiser dans les arias composées par Vivaldi à la même époque pour compléter le drame musical bâti autour de l'histoire d'une princesse amoureuse abusée par un prétendant malhonnête. Pendant les répétitions, chanteurs, violons et violoncelle réunis autour d'Ondrej Macek au clavecin, ont ensuite ressuscité avec enthousiasme cette musique aux phrasés étrangement familiers.
Après Prague, "Argippo" sera joué début juin au théâtre baroque de Cesky Krumlov, à la frontière autrichienne, un des rares en Europe à avoir échappé à la destruction, puis en octobre à Venise, la ville natale de Vivaldi.