Le Palais Fortuny à Venise propose une saisissante exposition sur le temps dans l'art.
C'est davantage une expérience sensorielle qu'une visite traditionnelle, beaucoup plus un cabinet de curiosités qu'un musée académique. Passer ces jours-ci à Venise du Palazzo Grassi de François Pinault au proche Palazzo Fortuny, c'est troquer l'ennui distingué contre une émotion perturbante.
Au début du mois, alors que s'élançait la 52e Biennale d'art contemporain, les autorités vénitiennes ont ouvert avec faste un nouvel espace culturel: un palais gothique qui est la propriété de la ville depuis cinquante ans. Le Palais Fortuny tire son nom de son ex-propriétaire, le créateur espagnol Mariano Fortuny y Madrazo (1871-1949). Né à Grenade, arrivé à Venise à l'âge de 18 ans, cet artiste était fasciné par Wagner et son Gesamtkunstwerk, son ambition d'œuvre d'art total. Mariano Fortuny a aussi bien été peintre que tographe. Mais il reste connu pour ses inventions scénographiques (ses dispositifs de lumière indirecte équipaient les théâtres et opéras de toute l'Europe), ses mises en scène et surtout ses créations textiles. Ses somptueux imprimés et vêtements, fabriqués sur l'île de la Giudecca, étaient réputés dans le monde entier. Proust vouait une adoration sans bornes à Fortuny, au point de l'incorporer dans A la recherche du temps perdu («La robe de Fortuny que portait ce soir-là Albertine me semblait comme l'ombre tentatrice de cette invisible Venise...»).
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